La vidange du lac d'Annecy est terminée!
La première vidange du deuxième lac de France en plus de soixante ans, l'opération s'est déroulée sans anicroches en février et mars
31 mars 2002: les pompiers de la commune
riveraine de Talloires finissent le remplissage du "Petit Lac"
Le lac d'Annecy, deuxième lac naturel de France par sa superficie (2.650 ha), vient de subir avec succès la plus grande vidange de son histoire. L'opération, soigneusement préparée au cours des trois dernières années par des équipes spécialisées, s'est déroulée sur six semaines en février et mars. Le Syndicat Intercommunal du Lac D'Annecy (S.I.L.A.) a chargé le premier organisme mondial dans le domaine, l'Agence de Vidange, Réfection et Inspection des Lacs, de coordonner les efforts des nombreuses et diverses administrations concernées, de l'INRA aux Ponts et Chaussées et Eaux et Forêts, sans oublier les Monuments Historiques, l'Archéologie départementale, les Amis du Lac, Chasseurs et Pêcheurs, divers SIVOM et entrepreneurs locaux qui ont contribué leur savoir-faire à cet énorme projet.
Pour assurer la propreté de l'eau du lac...
Le lac d'Annecy a la réputation d'être le lac le plus propre de France. Encerclé dès les années cinquante par des collecteurs d'eaux usagées, le lac se trouvait néanmoins en difficulté: le déversement des eaux du lac vers le Thiou ayant été diminué pendant la grande sécheresse des dernières années, afin de maintenir le niveau du premier lac touristique de France, le processus de nettoyage naturel a été perturbé. Les phosphates des cultivations, les engrais de pelouse, les boues et terres charriées par les torrents de montagne, les déjections des cygnes, canards, foulques, poules d'eau et autres grèbes, tous constitués d'éléments phosphatés, ont fini par s'accumuler au lieu de s'évacuer naturellement par le Thiou vers le Fier, le Rhône et la Méditerranée. La légendaire limpidité de l'eau du lac commençait à souffrir, et les écologistes craignaient de voir le lac progressivement s'étouffer, ce qui causerait la mort du lac par le processus d'eutrophisation. De plus, les estivants se plaignant depuis 1995 de la "puce du canard", un parasite qui fréquente les eaux légèrement polluées, le S.I.L.A. a dû se rendre à l'évidence: une vidange du lac s'imposait.
Trois ans de préparatifs pour six semaines de chantier...
Fin février: Les élus des communes
environnantes ont troqué leurs souliers
vernis contre bottes et cuissardes
pour fouler le fond vaseux du lacIl fallait vider le lac de ses 1 124 millions de m3 d'eau alors que les torrents qui l'alimentent ont leur débit le plus bas: en période de gel, ils déversent très peu d'eau. A la fonte des neiges au printemps, ils reprennent toute leur ampleur. La source sous-lacustre du Boubioz elle aussi a son débit le plus bas en cette même période. A ces facteurs s'allie une autre raison, d'ordre économique: il fallait à tout prix finir cette opération avant le début de la saison touristique, afin d'épargner aux touristes la vue déconcertante d'un lac vide, dont la vase serait de surcroît malodorante en saison estivale.
Les météorologues ont planché sur les statistiques et ont fourni les dates entre lesquelles la vidange avait les meilleures chances de réussir: du 3 février au 23 mars. Après quoi le remplissage pourrait procéder selon la pluviométrie et la fonte des neiges.
Pêche miraculeuse: les gardes forestiers, aidés par de nombreux volontaires, récupèrent les poissons à l'embouchure du Thiou
Il a fallu donc se mettre à l'ouvrage en plein hiver: vider le lac, ôter les épaves susceptibles de lâcher des polluants (voitures, réfrigérateurs, etc.) , enlever et stocker des milliers de tonnes de fange sans endommager les sites archéologiques (cités "lacustres" du Quaternaire, épaves de navires), réparer des ouvrages d'art (ponts, murs, quais), sauver et entreposer la faune du lac (castors, oiseaux, poissons, crustacés), et tout remettre en place, le tout en 44 jours. Une gageure propre à défier le plus intrépide des ingénieurs.
Les stations de pompage étaient placées à
Annecy-le-Vieux, Annecy,et aux Marquisats.Une haute technicité...
Le Thiou, déversoir naturel du lac, ne suffisant pas pour vider le lac dans les délais imposés par l'opération, trois stations de pompage furent donc installées en bordure du lac pour la durée de la vidange. Elles ont extrait des centaines de millions de mètres cube d'eau pour les envoyer vers le Thiou et le Fier, en aval du déversoir du lac. Sans ces pompes, les eaux du lac n'auraient pas pu être évacuées dans la fourchette des dates imposées par les météorologues.
Des surprises pour les archéologues...
Déjà bien exploré par des archéologues plongeurs, le site de la cité lacustre au large de Sévrier a livré des centaines de tessons et plusieurs superbes haches en pierre polie, ainsi que quelques objets en bois parfaitement préservés par l'environnement anaérobique de la vase.
Mais c'est dans la partie sud du lac, mal connue des chercheurs, que les archéologues ont trouvé des structures mégalithiques dont l'existence était inconnue et dont l'origine remonterait à -5000, voire -7000 ans, avant que la cluse d'Annecy ne se remplisse d'eau. Ce qui en ferait le site mégalithique le plus ancien d'Europe, aussi vieux que le temple de Tarxien sur l'île de Malte, en Méditerranée.
Des spécialistes venus de Paris auraient prélevé plusieurs dalles qui porteraient des gravures --en forme de spirale, affirment certains des ouvriers-- mais les responsables refusent de confirmer ou infirmer la thèse de l'existence de tels objets, qui seraient déjà en lieu sûr dans la capitale, au grand dam des archéologues d'Annecy, Faverges et Lyon qui déclarent qu'ils "ne laisseront pas les choses se passer comme ça!" De belles querelles en perspective, qui ne sont pas sans rappeler celles qui ont opposé les responsables locaux aux Monuments Historiques il y a quelques années.
Des souvenirs impérissables...
Mi- mars: un groupe scolaire regarde remonter le niveau
du lac depuis un haut-fond à Duingt; l'emplacement se
retrouvera sous l'eau moins de trois jours plus tard.
L'Académie de Haute Savoie a voulu s'assurer que les enfants de la région auraient des souvenirs de cet événement exceptionnel. Ainsi des visites au lac ont été intégrées ce printemps au cursus académique des écoles du département.
Jour après jour les groupes scolaires se sont succédé sur des emplacements spécialement aménagés pour recevoir les visiteurs en toute sécurité. Les communes de St Jorioz, Talloires, et Bout-du-Lac, où la topographie des lieux s'y prétait le mieux, ont vu passer plus de 30.000 enfants en six semaines. Les communes du lac ont travaillé avec les Guides du Patrimoine des Pays de Savoie (GPPS) qui ont spécialement formé une douzaine de pédagogues pour instruire les écoliers et touristes de passage.
La relative discretion de la presse nationale jusqu'à cette date s'explique par le fait que le S.I.L.A. tenait à ce que l'opération soit terminée avant que le public européen n'en soit averti. "Les touristes éventuels auraient pu croire en février ou mars que le lac serait dans un état déplorable pour l'été, et n'auraient pas réservé leurs chambres d'hôtel ou places dans les campings," explique l'attaché de presse du syndicat intercommunal. "En annonçant la réfection du lac de cette manière, personne n'aura été découragé de venir cet été. De plus, les estivants peuvent maintenant être assurés de retrouver le lac dans un état absolument parfait, plus propre et salubre qu'il ne l'a été depuis probablement un bon millier d'années. Nous sommes absolument ravis de la compétence des services qui ont entrepris cette tâche herculéenne --comparable au nettoyage des écuries d'Augias -- et qui sera certainement citée en exemple pour des générations à venir".
Un projet analogue serait déjà à l'étude pour la réfection éventuelle du Lac Léman en 2005.
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